La presse en parle
< Retour aux actualitésTrois jambons pour un pays
Kintoa :
Pierre Oteiza, de la fourche à la fourchette
Les cochons rose et noir de Pierre Oteiza n'on pas de soucis de foncier. Dispersés dans la vallée des Aldudes, ils se baladent librement dans un immense parc au milieu de chênes centenaies, de châtaigniers, dans une ancienne carrière, au bord d'une rivière, la Nive des Aldudes. A plus de cinq cents mètres d'altitude, le paysage est sublime et ces cochons ont le temps d'apprécier tout au long d'une année la vue sur le col d'Orreaga, se nourrissant au gré des saisons de maïs, d'orge, de pois et, bien sûr, de châtaignes et de glands.
Avec une poignée d'éleveurs, Pierre Oteiza, l'homme au béret noir, a réintroduit dans les années 1980 les porcs de race basque, kintoa, menacés d'extinction, dans la vallée. "Ces porcs sont parmi les plus anciens d'Europe, de type ibérique, comme le pata negra. Aujourd'hui, on compte cinq mille têtes sur le territoire basque et soixante-dix éleveurs bientôt rejoints par une quizaine de nouveaux exploitants". Ces porcs kintoa doivent leur nom à l'impôt instauré au XIIIe siècle par le roi de Navarre, dont les paysans basques devaient s'acquitter pour accéder aux montagnes royales, la quinta.
Si cette race de porc basque et son mode d'élevage suivant un cahier des charges très strict donnent un excellent jambon à chair rouge carmin, puissante et persillée, c'est aussi grâce à son mode de séchage. Pierre Oteiza, avec quatre autres boucher charcutiers du Pays basque (Arrieta, Accoceberry, Curutchet et Arruabarena) ont construit un séchoir collectif qui permet l'affinage des jambons de façon artisanale. Mais ce séchoir est aussi un modèle de développement durable avec ses panneaux photovoltaïques et sa machine brevetée made in Aldudes, Xingarbi, qui permet de nettoyer les jambons sans utiliser d'eau et donc sans risque de polluer les rivières.
A l'intérieur de ce séchoir, dans la grande salle d'affinage, le bois de hêtre est imprégné de l'odeur de noisette dégagée par les jambons qui bénéficient d'une ventilation naturelle. "Ici, nous affinons de l'ibaiona, du jambon de Bayonne, de la vallées des Aldudes et du kintoa". Le marathonien de l'étape ? Le kintoa, qui reste seize à dix huit mois en salle d'affinage. "Il faut prendre son temps", rappelle Pierre Oteiza qui, les pieds ancrés au Pays basque, exporte désormais près de 10% de sa production au Japon, au Canada et en Chine. Le kintoa, seul jambon issu de la race basque, a trouvé en Pierre Oteiza un ambassadeur de choix !
Le Jambon de Bayonne : vers l'AOP
La légende raconte que Gaston Fébus, comte de Foix, blessa un sanglier lors d'une battue. ce n'est que quelques mois plus tard, dans une source salée à Salies-de-Béarn, que l'animal fût retrouvé, en parfait état de conservation. C'est ainsi que serait née la salaison dans le bassin de l'Adour. Les premiers jambons étaient fabriqués dans tout le Sud-Ouest. La ville de Bayonne n'a jamais eu l'exclusivité de cette production. Mais grâce au transport fluvial des marchandises via l'Adour, la cité basque, avec son port, était le point de départ de l'exportation du jambon sec régional... d'où l'appellation "jambon de Bayonne".
Depuis 1998, le jambon de Bayonne bénéficie d'une IGP (indication géographique protégée) qui s'étend sur vingt-deux départements, de l'Aquitaine au Poitou-Charentes. "Si les cochons sont élevés dans le Grand Sud-Ouest, ils doivent être automatiquement salés avec du sel gemme de Salies-de-Béarn et affinés exclusivement dans le bassin de l'Adour", précise Bernard Dupont, président du Consortium du jambon de Bayonne.
Aujourd'hui, près d'un million quatre cents mille jambons de Bayonne sont produits par an. Les cochons sont principalement nourris au maïs denté et sont affinés, en fonction de leur poids, de sept à douze mois. "Nous développons actuellement des prorammes expérimentaux afin de diminuer au maximum la teneur en sel des jambons." Le Consortium du jambon de Bayonne a eu la bonne idée d'associer des chefs reconnus pour assurer la promotion du produit et gagner ainsi en notriété.
La production a été multipliée par deux depuis 1998. "Nous exportons déjà le jambon de Bayonne en Europe du Nord, mais aussi en Asie et au Canada. Nous espérons pouvoir vendre nos produits aux Etats-Unis cette année et avons engagé notre candidature pour obtenir l'AOP (appellation d'origine protégée) auprès de l'Institut national de l'origine et de la qualité", poursuit Bernard Dupont.
Une chose est sûre, le jambon de Bayonne reste un produit phare de la gastronomie du Sud-Ouest. La foire qui lui est dédiée à Bayonne depuis 1426, chaque week-end de Pâques, ne désemplit pas. Si la cité basque n'est pas le lieu de production du jambon de Bayonne, c'est tout de même son meilleur point de vente !