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< Retour aux actualitésPierre Oteiza, l'homme qui a relancé le cochon basque
Droit, opiniatre, intuitif... quand on interroge les proches de Pierre Oteiza, l'admiration n'est pas feinte pour ce quinquagénaire titulaire d'un CAP de boucher, aujourd'hui à la tête d'une entreprise de 60 personnes, réalisant un chiffre d'affaires de 8 milliards d'euros. Une PME qui a réussi à s'imposer au Japon et qui part à la conquête de la Chine, de l'Australie et des Etats-Unis.
Quel est le secret de votre réussite ?
Quand on a la volonté, rien n'est impossible. Y compris dans un coin du Pays Basque victime de désertification et de l'exode rurale. J'ai créé mon entreprise de transformation de charcuterie en 1987 dans la Vallée des Aldudes avec l'envie de "vivre et travailler au Pays basque". En 1989, parti vendre mes saucissons au Salon de l'Agriculture à Paris, je suis tombé sur le stand du ministère de l'agriculture qui présentait quelques cochons basques sous un écriteau "espèce en voie de disparition". Je me suis attaché à relancer cette race condamnée. Et je me suis retrouvé avec une gamme de produits très originaux, me démarquant de tous les autres charcutiers.
Comment relance t-on une race en voie de disparition et que représente la filière aujourd'hui ?
De 1989 jusqu'à fin 1990, j'ai élevé ces porcs dans ma ferme, mais j'ai aussi recruté des éleveurs pour pour consolider ce redémarrage et le consolider. Il a aussi fallu se doter de l'unité de transformation de charcuterie capable de faire face à des fournisseurs de plus en plus nombreux.
Aujourd'hui, 80 éleveurs travaillent pour nous, selon un cahier des charges que nous partageons tous. Cette filière d'élevage va représenter cette année 3000 à 3500 porcs transformés et obtenir, fin 2015 ou début 2016, une appellation d'origine contrôlée sur le jambon sec et la viande fraîche issus de ces cochons.
Côté transformation, vos équipements sont de plus en plus importants ?
En 1999, les locaux devenant trop exigus, nous avons investi dans un outil de production plus important. J’ai alors créé une coopérative pour faire partager le projet à d’autres charcutiers du Pays Basque. La Caisse d’Epargne nous a accompagnés dans cet investissement. Après avoir doublé la capacité de cet équipement, nous transformons aujourd’hui quelque 35000 jambons par an, nous permettant de partir à la conquête de nouveaux marchés.
Y compris à l’exportation…
Il y a un peu moins de 10 ans, plutôt que de rester sur un marché français et européen très concurrentiel où, même avec des produits originaux, nous restons un peu noyés dans la masse de tous les charcutiers, nous avons décidé d’aller voir dans d’autres pays. Nous avons commencé par le Japon, où il nous a fallu deux ans pour obtenir les autorisations. Avec ce sésame, nous y avons sans cesse développé nos activités et c’est devenu aujourd’hui notre premier marché à l’international, représentant 7 à 8% de notre chiffre d’affaires global, soit la moitié de la part réalisée à l’exportation.
Quelles sont les autres cibles à l’international ?
Après le Japon, nous avons démarré dans la foulée à Hong Kong, au Canada et dans d’autres pays comme Dubaï, l’île Maurice ou les Philippines. L’an dernier, nous avons ouvert Taiwan et nous sommes sur le point d’obtenir les agréments pour la Chine. Le marché chinois, traditionnellement consommateur uniquement de porc cuit, s’est ouvert à la charcuterie fin 2013 et nous faisons partie des dix premières entreprises françaises qui devraient obtenir cette année le feu vert des autorités chinoises.
Que peut représenter le marché chinois pour vous ?
C’est difficile à dire. Nous sommes toujours très contents quand nous obtenons une autorisation, mais ce n’est à chaque fois que le début de l’histoire. Maintenant, nous devons faire note boulot de commerçant. Nous allons notamment nous appuyer sur le réseau des Maisons du Sud-Ouest mis en place par les Régions Aquitaine et Midi-Pyrénées et dont nous faisons partie.
Vous regardez aussi du côté de l’Australie et des Etats-Unis…
Nous sommes en train d’approcher le marché australien, pour l’instant fermé aux charcuteries françaises. Nous avons demandé une autorisation d’exportation en janvier 2013, mais il faut d’abord que les autorités australiennes reconnaissent que les produits de charcuterie français sont exportables dans leur pays. Le dossier est actuellement dans une phase diplomatique.
Aux Etats-Unis, les règles sont extrêmement contraignantes et l’on compte aujourd’hui sur les doigts d’une main les entreprises françaises de charcuterie qui exportent dans ce pays. Pour ce qui nous concerne, nous avons été inspectés par des auditeurs américains dans une phase préalable à un véritable audit des vétérinaires américains. En clair, nous sommes dans le circuit et nous franchissons les obstacles un par un, avec l’espoir d’entrouvrir les portes du marché américain en 2016.